雨果:光與影(法語)
I
FONCTION DU POÈTE
I
Pourquoi t’exiler, ô poète,
Dans la foule où nous te voyons ?
Que sont pour ton âme inquiète
Les partis, chaos sans rayons ?
Dans leur atmosphère souillée
Meurt ta poésie effeuillée ;
Leur souffle égare ton encens.
Ton coeur, dans leurs luttes serviles,
Est comme ces gazons des villes
Rongés par les pieds des passants.
Dans les brumeuses capitales
N’entends-tu pas avec effroi,
Comme deux puissances fatales,
Se heurter le peuple et le roi ?
De ces haines que tout réveille
À quoi bon emplir ton oreille,
Ô Poète, ô maître, ô semeur ?
Tout entier au Dieu que tu nommes,
Ne te mêle pas à ces hommes
Qui vivent dans une rumeur !
Va résonner, âme épurée,
Dans le pacifique concert !
Va t’épanouir, fleur sacrée,
Sous les larges cieux du désert !
Ô rêveur, cherche les retraites,
Les abris, les grottes discrètes,
Et l’oubli pour trouver l’amour,
Et le silence, afin d’entendre
La voix d’en haut, sévère et tendre,
Et l’ombre, afin de voir le jour !
Va dans les bois ! va sur les plages !
Compose tes chants inspirés
Avec la chanson des feuillages
Et l’hymne des flots azurés !
Dieu t’attend dans les solitudes ;
Dieu n’est pas dans les multitudes ;
L’homme est petit, ingrat et vain.
Dans les champs tout vibre et soupire.
La nature est la grande lyre,
Le poète est l’archet divin !
Sors de nos tempêtes, ô sage !
Que pour toi l’empire en travail,
Qui fait son périlleux passage
Sans boussole et sans gouvernail,
Soit comme un vaisseau qu’en décembre
Le pêcheur, du fond de sa chambre
Où pendent les filets séchés,
Entend la nuit passer dans l’ombre
Avec un bruit sinistre et sombre
De mâts frissonnants et penchés !
II
Hélas ! hélas ! dit le poète,
J’ai l’amour des eaux et des bois ;
Ma meilleure pensée est faite
De ce que murmure leur voix.
La création est sans haine.
Là, point d’obstacle et point de chaîne.
Les prés, les monts, sont bienfaisants ;
Les soleils m’expliquent les roses ;
Dans la sérénité des choses
Mon âme rayonne en tous sens.
Je vous aime, ô sainte nature !
Je voudrais m’absorber en vous ;
Mais, dans ce siècle d’aventure,
Chacun, hélas ! se doit à tous.
Toute pensée est une force.
Dieu fit la sève pour l’écorce,
Pour l’oiseau les rameaux fleuris,
Le ruisseau pour l’herbe des plaines,
Pour les bouches, les coupes pleines,
Et le penseur pour les esprits !
Dieu le veut, dans les temps contraires,
Chacun travaille et chacun sert.
Malheur à qui dit à ses frères :
Je retourne dans le désert !
Malheur à qui prend des sandales
Quand les haines et les scandales
Tourmentent le peuple agité ;
Honte au penseur qui se mutile,
Et s’en va, chanteur inutile,
Par la porte de la cité !
Le poète en des jours impies
Vient préparer des jours meilleurs.
Il est l’homme des utopies ;
Les pieds ici, les yeux ailleurs.
C’est lui qui sur toutes les têtes,
En tout temps, pareil aux prophètes,
Dans sa main, où tout peut tenir,
Doit, qu’on l’insulte ou qu’on le loue,
Comme une torche qu’il secoue,
Faire flamboyer l’avenir !
Il voit, quand les peuples végètent !
Ses rêves, toujours pleins d’amour,
Sont faits des ombres que lui jettent
Les choses qui seront un jour.
On le raille. Qu’importe ? il pense.
Plus d’une âme inscrit en silence
Ce que la foule n’entend pas.
Il plaint ses contempteurs frivoles ;
Et maint faux sage à ses paroles
Rit tout haut et songe tout bas !
Foule qui répands sur nos rêves
Le doute et l’ironie à flots,
Comme l’océan sur les grèves
Répand son râle et ses sanglots,
L’idée auguste qui t’égaie
À cette heure encore bégaie ;
Mais de la vie elle a le sceau !
Ève contient la race humaine,
Un oeuf l’aiglon, un gland le chêne !
Une utopie est un berceau !
De ce berceau, quand viendra l’heure,
Vous verrez sortir, éblouis,
Une société meilleure
Pour des coeurs mieux épanouis,
Le devoir que le droit enfante,
L’ordre saint, la foi triomphante,
Et les moeurs, ce groupe mouvant
Qui toujours, joyeux ou morose,
Sur ses pas sème quelque chose
Que la loi récolte en rêvant !
Mais, pour couver ces puissants germes,
Il faut tous les coeurs inspirés,
Tous les coeurs purs, tous les coeurs fermes,
De rayons divins pénétrés.
Sans matelots la nef chavire ;
Et, comme aux deux flancs d’un navire,
Il faut que Dieu, de tous compris,
Pour fendre la foule insensée,
Aux deux côtés de sa pensée
Fasse ramer de grands esprits !
Loin de vous, saintes théories,
Codes promis à l’avenir,
Ce rhéteur aux lèvres flétries,
Sans espoir et sans souvenir,
Qui jadis suivait votre étoile,
Mais qui, depuis, jetant le voile
Où s’abrite l’illusion,
A laissé violer son âme
Par tout ce qu’ont de plus infâme
L’avarice et l’ambition !
Géant d’orgueil à l’âme naine,
Dissipateur du vrai trésor,
Qui, repu de science humaine,
A voulu se repaître d’or,
Et, portant des valets au maître
Son faux sourire d’ancien prêtre
Qui vendit sa divinité,
S’enivre, à l’heure où d’autres pensent,
Dans cette orgie impure où dansent
Les abus au rire effronté !
Loin ces scribes au coeur sordide,
Qui dans l’ombre ont dit sans effroi
À la corruption splendide :
Courtisane, caresse-moi !
Et qui parfois, dans leur ivresse,
Du temple où rêva leur jeunesse
Osent reprendre les chemins,
Et, leurs faces encor fardées,
Approcher les chastes idées,
L’odeur de la débauche aux mains !
Loin ces docteurs dont se défie
Le sage, sévère à regret !
Qui font de la philosophie
Une échoppe à leur intérêt !
Marchands vils qu’une église abrite !
Qu’on voit, noire engeance hypocrite,
De sacs d’or gonfler leur manteau,
Troubler le prêtre qui contemple,
Et sur les colonnes du temple
Clouer leur immonde écriteau !
Loin de vous ces jeunes infâmes
Dont les jours, comptés par la nuit,
Se passent à flétrir des femmes
Que la faim aux antres conduit !
Lâches à qui, dans leur délire,
Une voix secrète doit dire :
Cette femme que l’or salit,
Que souille l’orgie où tu tombes,
N’eut qu’à choisir entre deux tombes :
La morgue hideuse ou ton lit !
Loin de vous les vaines colères
Qui s’agitent au carrefour !
Loin de vous ces chats populaires
Qui seront tigres quelque jour !
Les flatteurs du peuple ou du trône !
L’égoïste qui de sa zone
Se fait le centre et le milieu !
Et tous ceux qui, tisons sans flamme,
N’ont pas dans leur poitrine une âme,
Et n’ont pas dans leur âme un Dieu !
Si nous n’avions que de tels hommes,
Juste Dieu ! comme avec douleur
Le poète au siècle où nous sommes
Irait criant : Malheur ! malheur !
On le verrait voiler sa face ;
Et, pleurant le jour qui s’efface,
Debout au seuil de sa maison,
Devant la nuit prête à descendre,
Sinistre, jeter de la cendre
Aux quatre points de l’horizon !
Tels que l’autour dans les nuées,
On entendrait rire, vainqueurs,
Les noirs poètes des huées,
Les Aristophanes moqueurs.
Pour flétrir nos hontes sans nombre,
Pétrone, réveillé dans l’ombre,
Saisirait son stylet romain.
Autour de notre infâme époque
L’iambe boiteux d’Archiloque
Bondirait, le fouet à la main !
Mais Dieu jamais ne se retire.
Non ! jamais, par les monts caché,
Ce soleil, vers qui tout aspire,
Ne s’est complètement couché !
Toujours, pour les mornes vallées,
Pour les âmes d’ombre aveuglées,
Pour les coeurs que l’orgueil corrompt,
Il laisse au-dessus de l’abîme,
Quelques rayons sur une cime,
Quelques vérités sur un front !
Courage donc ! esprit, pensées,
Cerveaux d’anxiétés rongés,
Coeurs malades, âmes blessées,
Vous qui priez, vous qui songez !
Ô générations ! courage !
Vous qui venez comme à regret,
Avec le bruit que fait l’orage
Dans les arbres de la forêt !
Douteurs errants sans but ni trêve,
Qui croyez, étendant la main,
Voir les formes de votre rêve
Dans les ténèbres du chemin !
Philosophes dont l’esprit souffre,
Et qui, pleins d’un effroi divin,
Vous cramponnez au bord du gouffre,
Pendus aux ronces du ravin !
Naufragés de tous les systèmes,
Qui de ce flot triste et vainqueur
Sortez tremblants et de vous-mêmes
N’avez sauvé que votre coeur !
Sages qui voyez l’aube éclore
Tous les matins parmi les fleurs,
Et qui revenez de l’aurore,
Trempés de célestes lueurs !
Lutteurs qui pour laver vos membres
Avant le jour êtes debout !
Rêveurs qui rêvez dans vos chambres,
L’oeil perdu dans l’ombre de tout !
Vous, hommes de persévérance,
Qui voulez toujours le bonheur,
Et tenez encor l’espérance,
Ce pan du manteau du Seigneur !
Chercheurs qu’une lampe accompagne !
Pasteurs armés de l’aiguillon !
Courage à tous sur la montagne !
Courage à tous dans le vallon !
Pourvu que chacun de vous suive
Un sentier ou bien un sillon ;
Que, flot sombre, il ait Dieu pour rive,
Et, nuage, pour aquilon ;
Pourvu qu’il ait sa foi qu’il garde,
Et qu’en sa joie ou sa douleur
Parfois doucement il regarde
Un enfant, un astre, une fleur ;
Pourvu qu’il sente, esclave ou libre,
Tenant à tout par un côté,
Vibrer en lui par quelque fibre
L’universelle humanité ;
Courage ! - Dans l’ombre et l’écume
Le but apparaîtra bientôt !
Le genre humain dans une brume,
C’est l’énigme et non pas le mot !
Assez de nuit et de tempête
A passé sur vos fronts penchés.
Levez les yeux ! levez la tête !
La lumière est là-haut ! marchez !
Peuples ! écoutez le poète !
Écoutez le rêveur sacré !
Dans votre nuit, sans lui complète,
Lui seul a le front éclairé.
Des temps futurs perçants les ombres,
Lui seul distingue en leurs flancs sombres
Le germe qui n’est pas éclos.
Homme, il est doux comme une femme.
Dieu parle à voix basse à son âme
Comme aux forêts et comme aux flots.
C’est lui qui, malgré les épines,
L’envie et la dérision,
Marche, courbé dans vos ruines,
Ramassant la tradition.
De la tradition féconde
Sort tout ce qui couvre le monde,
Tout ce que le ciel peut bénir,
Toute idée, humaine ou divine,
Qui prend le passé pour racine
A pour feuillage l’avenir.
Peuples! écoutez le poète !
Écoutez le rêveur sacré !
Dans votre nuit, sans lui complète,
Lui seul a le front éclairé !
Des temps futurs perçant les ombres,
Lui seul distingue en leurs flancs sombres
Le germe qui n’est pas éclos.
Homme, il est doux comme une femme.
Dieu parle à voix basse à son âme
Comme aux forêts et comme aux flots !
C’est lui qui, malgré les épines,
L’envie et la dérision,
Marche, courbé dans vos ruines,
Ramassant la tradition.
De la tradition féconde
Sort tout ce qui couvre le monde,
Tout ce que le ciel peut bénir.
Toute idée, humaine ou divine,
Qui prend le passé pour racine
A pour feuillage l’avenir.
Il rayonne ! il jette sa flamme
Sur l’éternelle vérité !
Il la fait resplendir pour l’âme
D’une merveilleuse clarté.
Il inonde de sa lumière
Ville et désert, Louvre et chaumière,
Et les plaines et les hauteurs ;
À tous d’en haut il la dévoile ;
Car la poésie est l’étoile
Qui mène à Dieu rois et pasteurs !
II
LE SEPT AOÛT MIL HUIT CENT VINGT-NEUF
C’était le sept août. Ô sombre destinée !
C’était le premier jour de leur dernière année.
Seuls dans un lieu royal, côte à côté marchant,
Deux hommes, par endroits du coude se touchant,
Causaient. Grand souvenir qui dans mon coeur se grave !
Le premier avait l’air fatigué, triste et grave,
Comme un trop faible front qui porte un lourd projet.
Une double épaulette à couronne chargeait
Son uniforme vert à ganse purpurine,
Et l’ordre et la toison faisaient sur sa poitrine,
Près du large cordon moiré de bleu changeant,
Deux foyers lumineux, l’un d’or, l’autre d’argent.
C’était un roi ; vieillard à la tête blanchie,
Penché du poids des ans et de la monarchie.
L’autre était un jeune homme étranger chez les rois,
Un poète, un passant, une inutile voix.
Ils se parlaient tous deux, sans témoins, sans mystère,
Dans un grand cabinet, simple, nu, solitaire,
Majestueux pourtant. Ce que les hommes font
Laisse une empreinte aux murs. Sous ce même plafond
Avaient passé jadis, ô splendeurs effacées !
De grands événements et de grandes pensées.
Là, derrière son dos, croisant ses fortes mains,
Ébranlant le plancher sous ses pas surhumains,
Bien souvent l’empereur quand il était le maître,
De la porte en rêvant allait à la fenêtre.
Dans un coin une table, un fauteuil de velours,
Miraient dans le parquet leurs pieds dorés et lourds.
Par une porte en vitre, au dehors, l’oeil en foule
Apercevait au loin des armoires de Boulle,
Des vases du Japon, des laques, des émaux,
Et des chandeliers d’or aux immenses rameaux.
Un salon rouge orné de glaces de Venise,
Plein de ces bronzes grecs que l’esprit divinise,
Multipliait sans fin ses lustres de cristal ;
Et, comme une statue à lames de métal,
On voyait, casque au front, luire dans l’encoignure
Un garde argent et bleu d’une fière tournure.
Or entre le poète et le vieux roi courbé,
De quoi s’agissait-il ?
D’un pauvre ange tombé
Dont l’amour refaisait l’âme avec son haleine ;
De Marion, lavée ainsi que Madeleine,
Qui boitait et traînait son pas estropié,
La censure, serpent, l’ayant mordue au pied.
Le poète voulait faire un soir apparaître
Louis treize, ce roi sur qui régnait un prêtre ;
- Tout un siècle, marquis, bourreaux, fous, bateleurs ;
Et que la foule vînt, et qu’à travers des pleurs,
Par moments, dans un drame étincelant et sombre,
Du pâle cardinal on crût voir passer l’ombre.
Le vieillard hésitait : -- Que sert de mettre à nu
Louis treize, ce roi chétif et mal venu ?
À quoi bon remuer un mort dans une tombe ?
Que veut-on ? où court-on ? sait-on bien où l’on tombe ?
Tout n’est-il pas déjà croulant de tout côté ?
Tout ne s’en va-t-il pas dans trop de liberté ?
N’est-il pas temps plutôt, après quinze ans d’épreuve,
De relever la digue et d’arrêter le fleuve ?
Certe, un roi peut reprendre alors qu’il a donné.
Quant au théâtre, il faut, le trône étant miné,
Étouffer des deux mains sa flamme trop hardie ;
Car la foule est le peuple, et d’une comédie
Peut jaillir l’étincelle aux livides rayons
Qui met le feu dans l’ombre aux révolutions. -
Puis il niait l’histoire, et, quoi qu’il puisse en être,
À ce jeune rêveur disputait son ancêtre ;
L’accueillant bien d’ailleurs, bon, royal, gracieux,
Et le questionnant sur ses propres aïeux.
Tout en laissant aux rois les noms dont on les nomme,
Le poète luttait fermement, comme un homme
Épris de liberté, passionné pour l’art,
Respectueux pourtant pour ce noble vieillard.
Il disait : -- Tout est grave en ce siècle où tout penche.
L’art, tranquille et puissant, veut une allure franche.
Les rois morts sont sa proie ; il faut la lui laisser.
Il n’est pas ennemi ; pourquoi le courroucer,
Et le livrer dans l’ombre à des tortionnaires,
Lui dont la main fermée est pleine de tonnerres ?
Cette main, s’il l’ouvrait, redoutable envoyé,
Sur la France éblouie et le Louvre effrayé,
On l’épouvanterait - trop tard, s’il faut le dire -
D’y voir subitement tant de foudres reluire !
Oh ! les tyrans d’en bas nuisent au roi d’en haut.
Le peuple est toujours là qui prend la muse au mot,
Quand l’indignation, jusqu’au roi qu’on révère,
Monte du front pensif de l’artiste sévère !
-- Sire à ce qui chancelle est-on bien appuyé ?
La censure est un toit mauvais, mal étayé,
Toujours prêt à tomber sur les noms qu’il abrite.
Sire, un souffle imprudent, loin de l’éteindre, irrite
Le foyer, tout à coup terrible et tournoyant,
Et d’un art lumineux fait un art flamboyant !
D’ailleurs, ne cherchât-on que la splendeur royale,
Pour cette nation moqueuse, mais loyale,
Au lieu des grands tableaux qu’offrait le grand Louis,
Roi-soleil, fécondant les lys épanouis,
Qui, tenant sous son sceptre un monde en équilibre,
Faisait Racine heureux, laissait Molière libre,
Quel spectacle, grand Dieu ! qu’un groupe de censeurs
Armés et parlant bas, vils esclaves chasseurs,
À plat ventre couchés, épiant l’heure où rentre
Le drame, fier lion, dans l’histoire, son antre ! -
Ici, voyant vers lui, d’un front plus incliné,
Se tourner doucement ce vieillard étonné,
Il hasardait plus loin sa pensée inquiète,
Et, laissant de côté le drame et le poète,
Attentif, il sondait le dessein vaste et noir
Qu’au fond de ce roi triste il venait d’entrevoir.
Se pourrait-il ? quelqu’un aurait cette espérance ?
Briser le droit de tous ! retrancher à la France,
Comme on ôte un jouet à l’enfant dépité,
De l’air, de la lumière, et de la liberté !
Le roi ne voudrait pas ! lui, roi sage et roi juste !
Puis, choisissant les mots pour cette oreille auguste,
Il disait que les temps ont des flots souverains ;
Que rien, ni ponts hardis, ni canaux souterrains,
Jamais, excepté Dieu, rien n’arrête et ne dompte
Le peuple qui grandit ou l’océan qui monte ;
Que le plus fort vaisseau sombre et se perd souvent
Qui veut rompre de front et la vague et le vent ;
Et que, pour s’y briser, dans la lutte insensée,
On a derrière soi, roche partout dressée,
Tout son siècle, les moeurs, l’esprit qu’on veut braver,
Le port même où la nef aurait pu se sauver !
Il osait s’effrayer. Fils d’une Vendéenne,
Coeur n’ayant plus d’amour, mais n’ayant pas de haine,
Il suppliait qu’au moins on l’en crût un moment,
Lui qui sur le passé s’incline gravement,
Et dont la piété, lierre qui s’enracine,
Hélas, s’attache aux rois comme à toute ruine !
Le destin a parfois de formidable jeux.
Les rois doivent songer dans ces jours orageux
Où, mer qui vient, esprit des temps, nuée obscure,
Derrière l’horizon quelque chose murmure !
À quoi bon provoquer d’avance et soulever
Les générations qu’on entend arriver ?
Pour des regards distraits la France était sereine ;
Mais dans ce ciel troublé d’un peu de brume à peine,
Où tout semblait azur, où rien n’agitait l’air,
Lui, rêveur, il voyait par instants un éclair ! -
Charles dix souriant répondit : -- Ô poète !
Le soir, tout rayonnait de lumière et de fête.
Regorgeant de soldats, de princes, de valets,
Saint-Cloud joyeux et vert, autour du fier palais
Dont la Seine en fuyant reflète les beaux marbres,
Semblait avec amour presser sa touffe d’arbres.
L’arc de triomphe orné de victoires d’airain,
Le Louvre étincelant, fleurdelysé, serein,
Lui répondaient de loin du milieu de la ville ;
Tout ce royal ensemble avait un air tranquille,
Et, dans le calme aspect d’un repos solennel,
Je ne sais quoi de grand qui semblait éternel.
Holyrood ! Holyrood ! ô fatale abbaye,
Où la loi du destin, dure, amère, obéie,
S’inscrit de tous côtés !
Cloître ! palais ! tombeau ! qui sous tes murs austères
Gardes les rois, la mort et Dieu ; trois grands mystères,
Trois sombres majestés !
Château découronné ! Vallée expiatoire !
Où le penseur entend dans l’air et dans l’histoire,
Comme un double conseil pour nos ambitions,
Comme une double voix qui se mêle et qui gronde,
La rumeur de la mer profonde,
Et le bruit éloigné des révolutions !
Solitude où parfois des collines prochaines
On voit venir les faons qui foulent sous les chênes
Le gazon endormi,
Et qui, pour aspirer le vent dans la clairière,
Effarés, frissonnants, sur leurs pieds de derrière
Se dressent à demi !
Fière église où priait le roi des temps antiques,
Grave, ayant pour pavé sous les arches gothiques
Les tombeaux paternels qu’il usait du genou !
Porte où superbement tant d’archers et de gardes
Veillaient, multipliant l’éclair des hallebardes,
Et qu’un pâtre aujourd’hui ferme avec un vieux clou !
Patrie où, quand la guerre agitait leurs rivages,
Les grands lords montagnards comptaient leurs clans sauvages
Et leurs noirs bataillons ;
Où maintenant sur l’herbe, au soleil, sous des lierres,
Les vieilles aux pieds nus qui marchent dans les pierres
Font sécher des haillons !
Holyrood ! Holyrood ! la ronce est sur tes dalles.
Le chevreau broute au bas de tes tours féodales.
Ô fureur des rivaux ardents à se chercher !
Amours ! - Darnley ! Rizzio ! quel néant est le vôtre !
Tous deux sont là, - l’un près de l’autre ; -
L’un est une ombre, et l’autre une tâche au plancher !
Hélas ! que de leçons sous tes voûtes funèbres !
Oh ! que d’enseignements on lit dans les ténèbres
Sur ton seuil renversé,
Sur tes murs tout empreints d’une étrange fortune,
Vaguement éclairés dans ce reflet de lune
Que jette le passé !
Ô palais, sois béni ! soyez bénie, ô ruine !
Qu’une auguste auréole à jamais t’illumine !
Devant tes noirs créneaux, pieux, nous nous courbons,
Car le vieux roi de France a trouvé sous ton ombre
Cette hospitalité mélancolique et sombre
Qu’on reçoit et qu’on rend de Stuarts à Bourbons !
III
AU ROI LOUIS-PHILIPPE, APRÈS L’ARRÊT DE MORT PRONONCÉ LE 12 JUILLET 1839
Par votre ange envolée ainsi qu’une colombe !
Par ce royal enfant, doux et frêle roseau !
Grâce encore une fois ! grâce au nom de la tombe !
Grâce au nom du berceau !
IV
REGARD JETÉ DANS UNE MANSARDE
I
L’église est vaste et haute. À ses clochers superbes
L’ogive en fleur suspend ses trèfles et ses gerbes ;
Son portail resplendit, de sa rose pourvu ;
Le soir fait fourmiller sous la voussure énorme
Anges, vierges, le ciel, l’enfer sombre et difforme,
Tout un monde effrayant comme un rêve entrevu.
Mais ce n’est pas l’église, et ses voûtes sublimes,
Ses porches, ses vitraux, ses lueurs, ses abîmes,
Sa façade et ses tours, qui fascinent mes yeux ;
Non ; c’est, tout près, dans l’ombre où l’âme aime à descendre
Cette chambre d’où sort un chant sonore et tendre,
Posée au bord d’un toit comme un oiseau joyeux.
Oui, l’édifice est beau, mais cette chambre est douce.
J’aime le chêne altier moins que le nid de mousse ;
J’aime le vent des prés plus que l’âpre ouragan ;
Mon coeur, quand il se perd vers les vagues béantes,
Préfère l’algue obscure aux falaises géantes.
Et l’heureuse hirondelle au splendide océan.
II
Frais réduit ! à travers une claire feuillée
Sa fenêtre petite et comme émerveillée
S’épanouit auprès du gothique portail.
Sa verte jalousie à trois clous accrochée,
Par un bout s’échappant, par l’autre rattachée,
S’ouvre coquettement comme un grand éventail.
Au-dehors un beau lys, qu’un prestige environne,
Emplit de sa racine et de sa fleur couronne
- Tout près de la gouttière où dort un chat sournois -
Un vase à forme étrange en porcelaine bleue
Où brille, avec des paons ouvrant leur large queue,
Ce beau pays d’azur que rêvent les Chinois.
Et dans l’intérieur par moments luit et passe
Une ombre, une figure, une fée, une grâce,
Jeune fille du peuple au chant plein de bonheur,
Orpheline, dit-on, et seule en cet asile,
Mais qui parfois a l’air, tant son front est tranquille,
De voir distinctement la face du Seigneur.
On sent, rien qu’à la voir, sa dignité profonde.
De ce coeur sans limon nul vent n’a troublé l’onde.
Ce tendre oiseau qui jase ignore l’oiseleur.
L’aile du papillon a toute sa poussière.
L’âme de l’humble vierge a toute sa lumière.
La perle de l’aurore est encor dans la fleur.
À l’obscure mansarde il semble que l’oeil voie
Aboutir doucement tout un monde de joie,
La place, les passants, les enfants, leurs ébats,
Les femmes sous l’église à pas lents disparues,
Des fronts épanouis par la chanson des rues,
Mille rayons d’en haut, mille reflets d’en bas.
Fille heureuse ! autour d’elle ainsi qu’autour d’un temple,
Tout est modeste et doux, tout donne un bon exemple.
L’abeille fait son miel, la fleur rit au ciel bleu,
La tour répand de l’ombre, et, devant la fenêtre,
Sans faute, chaque soir, pour obéir au maître,
L’astre allume humblement sa couronne de feu.
Sur son beau col, empreint de virginité pure,
Point d’altière dentelle ou de riche guipure ;
Mais un simple mouchoir noué pudiquement.
Pas de perle à son front, mais aussi pas de ride,
Mais un oeil chaste et vif, mais un regard limpide.
Où brille le regard que sert le diamant ?
III
L’angle de la cellule abrite un lit paisible.
Sur la table est ce livre où Dieu se fait visible,
La légende des saints, seul et vrai panthéon.
Et dans un coin obscur, près de la cheminée,
Entre la bonne Vierge et le buis de l’année,
Quatre épingles au mur fixent Napoléon.
Cet aigle en cette cage ! - et pourquoi non ? dans l’ombre
De cette chambre étroite et calme, où rien n’est sombre,
Où dort la belle enfant, douce comme son lys,
Où tant de paix, de grâce et de joie est versée,
Je ne hais pas d’entendre au fond de ma pensée
Le bruit des lourds canons roulant vers Austerlitz.
Et près de l’empereur devant qui tout s’incline,
- Ô légitime orgueil de la pauvre orpheline ! -
Brille une croix d’honneur, signe humble et triomphant,
Croix d’un soldat, tombé comme tout héros tombe,
Et qui, père endormi, fait du fond de sa tombe
Veiller un peu de gloire auprès de son enfant.
IV
Croix de Napoléon ! joyau guerrier ! pensée !
Couronne de laurier de rayons traversée !
Quand il menait ses preux aux combats acharnés,
Il la laissait, afin de conquérir la terre,
Pendre sur tous les fronts durant toute la guerre ;
Puis, la grande oeuvre faite, il leur disait : Venez !
Puis il donnait sa croix à ces hommes stoïques,
Et des larmes coulaient de leurs yeux héroïques ;
Muets, ils admiraient leur demi-dieu vainqueur ;
On eût dit qu’allumant leur âme avec son âme,
En touchant leur poitrine avec son doigt de flamme,
Il leur faisait jaillir cette étoile du coeur !
V
Le matin elle chante et puis elle travaille,
Sérieuse, les pieds sur sa chaise de paille,
Cousant, taillant, brodant quelques dessins choisis ;
Et, tandis que, songeant à Dieu, simple et sans crainte,
Cette vierge accomplit sa tâche auguste et sainte,
Le silence rêveur à sa porte est assis.
Ainsi, Seigneur, vos mains couvrent cette demeure.
Dans cet asile obscur, qu’aucun souci n’effleure,
Rien qui ne soit sacré, rien qui ne soit charmant !
Cette âme, en vous priant pour ceux dont la nef sombre,
Peut monter chaque soir vers vous sans faire d’ombre
Dans la sérénité de votre firmament !
Nul danger ! nul écueil ! - Si ! l’aspic est dans l’herbe !
Hélas ! hélas ! le ver est dans le fruit superbe !
Pour troubler une vie il suffit d’un regard.
Le mal peut se montrer même aux clartés d’un cierge.
La curiosité qu’a l’esprit de la vierge
Fait une plaie au coeur de la femme plus tard.
Plein de ces chants honteux, dégoût de la mémoire,
Un vieux livre est là-haut sur une vieille armoire,
Par quelque vil passant dans cette ombre oublié ;
Roman du dernier siècle ! oeuvre d’ignominie !
Voltaire alors régnait, ce singe de génie
Chez l’homme en mission par le diable envoyé.
VI
Époque qui gardas, de vin, de sang rougie,
Même en agonisant, l’allure de l’orgie !
Ô dix-huitième siècle, impie et châtié !
Société sans dieu, par qui Dieu fus frappée !
Qui, brisant sous la hache et le sceptre et l’épée,
Jeune offensas l’amour, et vieille la pitié !
Table d’un long festin qu’un échafaud termine !
Monde, aveugle pour Christ, que Satan illumine !
Honte à tes écrivains devant les nations !
L’ombre de tes forfaits est dans leur renommée
Comme d’une chaudière il sort une fumée,
Leur sombre gloire sort des révolutions !
VII
Frêle barque assoupie à quelques pas d’un gouffre !
Prends garde, enfant ! coeur tendre où rien encor ne souffre !
Ô pauvre fille d’Ève ! ô pauvre jeune esprit !
Voltaire, le serpent, le doute, l’ironie,
Voltaire est dans un coin de ta chambre bénie !
Avec son oeil de flamme il t’espionne, et rit.
Oh ! tremble ! ce sophiste a sondé bien des fanges !
Oh ! tremble ! ce faux sage a perdu bien des anges !
Ce démon, noir milan, fond sur les coeurs pieux,
Et les brise, et souvent, sous ses griffes cruelles,
Plume à plume j’ai vu tomber ces blanches ailles
Qui font qu’une âme vole et s’enfuit dans les cieux !
Il compte de ton sein les battements sans nombre.
Le moindre mouvement de ton esprit dans l’ombre,
S’il penche un peu vers lui, fait resplendir son oeil.
Et, comme un loup rôdant, comme un tigre qui guette,
Par moments, de Satan, visible au seul poète,
La tête monstrueuse apparaît à ton seuil !
VIII
Hélas ! si ta main chaste ouvrait ce livre infâme,
Tu sentirais soudain Dieu mourir dans ton âme.
Ce soir tu pencherais ton front triste et boudeur
Pour voir passer au loin dans quelque verte allée
Les chars étincelants à la roue étoilée,
Et demain tu rirais de la sainte pudeur !
Ton lit, troublé la nuit de visions étranges,
Ferait fuir le sommeil, le plus craintif des anges !
Tu ne dormirais plus, tu ne chanterais plus,
Et ton esprit, tombé dans l’océan des rêves,
Irait, déraciné comme l’herbe des grèves,
Du plaisir à l’opprobre et du flux au reflux !
IX
Oh ! la croix de ton père est là qui te regarde !
La croix du vieux soldat mort dans la vieille garde !
Laisse-toi conseiller par elle, ange tenté !
Laisse-toi conseiller, guider, sauver peut-être
Par ce lys fraternel penché sur ta fenêtre,
Qui mêle son parfum à ta virginité !
Par toute ombre qui passe en baissant la paupière !
Par les vieux saints rangés sous le portail de pierre !
Par la blanche colombe aux rapides adieux !
Par l’orgue ardent dont l’hymne en longs sanglots se brise !
Laisse-toi conseiller par la pensive église !
Laisse-toi conseiller par le ciel radieux !
Laisse-toi conseiller par l’aiguille ouvrière,
Présente à ton labeur, présente à ta prière,
Qui dit tout bas : Travaille ! - Oh ! crois-la ! - Dieu, vois-tu,
Fit naître du travail, que l’insensé repousse,
Deux filles, la vertu, qui fait la gaîté douce,
Et la gaîté, qui rend charmante la vertu !
Entends ces mille voix, d’amour accentuées,
Qui passent dans le vent, qui tombent des nuées,
Qui montent vaguement des seuils silencieux,
Que la rosée apporte avec ses chastes gouttes,
Que le chant des oiseaux te répète, et qui toutes
Te disent à la fois : Sois pure sous les cieux !
Sois pure sous les cieux ! comme l’onde et l’aurore,
Comme le joyeux nid, comme la tour sonore,
Comme la gerbe blonde, amour du moissonneur,
Comme l’astre incliné, comme la fleur penchante,
Comme tout ce qui rit, comme tout ce qui chante,
Comme tout ce qui dort dans la paix du Seigneur !
Sois calme. Le repos va du coeur au visage ;
La tranquillité fait la majesté du sage.
Sois joyeuse. La foi vit sans l’austérité ;
Un des reflets du ciel, c’est le rire des femmes ;
La joie est la chaleur que jette dans les âmes
Cette clarté d’en haut qu’on nomme Vérité.
La joie est pour l’esprit une riche ceinture.
La joie adoucit tout dans l’immense nature.
Dieu sur les vieilles tours pose le nid charmant
Et la broussaille en fleur qui luit dans l’herbe épaisse ;
Car la ruine même autour de sa tristesse
A besoin de jeunesse et de rayonnement !
Sois bonne. La bonté contient les autres choses.
Le Seigneur indulgent sur qui tu te reposes
Compose de bonté le penseur fraternel.
La bonté, c’est le fond des natures augustes.
D’une seule vertu Dieu fait le coeur des justes,
Comme d’un seul saphir la coupole du ciel.
Ainsi, tu resteras, comme un lys, comme un cygne,
Blanche entre les fronts purs marqués d’un divin signe
Et tu seras de ceux qui, sans peur, sans ennuis,
Des saintes actions amassant la richesse,
Rangent leur barque au port, leur vie à la sagesse
Et, priant tous les soirs, dorment toutes les nuits !
LE POÈTE À LUI-MÊME
Tandis que sur les bois, les prés et les charmilles,
S’épanchent la lumière et la splendeur des cieux,
Toi, poète serein, répands sur les familles,
Répands sur les enfants et sur les jeunes filles,
Répands sur les vieillards ton chant religieux !
Montre du doigt la rive à tous ceux qu’une voile
Traîne sur le flot noir par les vents agité ;
Aux vierges, l’innocence, heureuse et noble étoile ;
À la foule, l’autel que l’impiété voile ;
Aux jeunes, l’avenir ; aux vieux, l’éternité !
Fais filtrer ta raison dans l’homme et dans la femme.
Montre à chacun le vrai du côté saisissant.
Que tout penseur en toi trouve ce qu’il réclame.
Plonge Dieu dans les coeurs, et jette dans chaque âme
Un mot révélateur, propre à ce qu’elle sent.
Ainsi, sans bruit, dans l’ombre, ô songeur solitaire,
Ton esprit, d’où jaillit ton vers que Dieu bénit,
Du peuple sous tes pieds perce le crâne austère ; -
Comme un coin lent et sûr, dans les flancs de la terre
La racine du chêne entr’ouvre le granit.
V
On croyait dans ces temps où le pâtre nocturne,
Loin dans l’air, au-dessus de son front taciturne,
Voyait parfois, témoin p
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