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基督山伯爵中法對(duì)照73(法)B

  « Déjà, depuis la fin de la première, j'avais reconnu le tétanos ; vous me confirmâtes dans cette opinion.

  - Oui, devant tout le monde, reprit le docteur ; mais maintenant nous sommes seuls.

  - Qu'allez-vous me dire, mon Dieu ?

  - Que les symptômes du tétanos et de l'empoisonnement par les matières végétales sont absolument les mêmes. »

  M. de Villefort se dressa sur ses pieds ; puis, après un instant d'immobilité et de silence, il retomba sur son banc.

  « Oh ! mon Dieu ! docteur, dit-il, songez-vous bien à ce que vous me dites là ? »

  Morrel ne savait pas s'il faisait un rêve ou s'il veillait.

  « Ecoutez, dit le docteur, je connais l'importance de ma déclaration et le caractère de l'homme à qui je la fais.

  - Est-ce au magistrat ou à l'ami que vous parlez ? demanda Villefort.

  - A l'ami, à l'ami seul en ce moment ; les rapports entre les symptômes du tétanos et les symptômes de l'empoisonnement par les substances végétales sont tellement identiques, que s'il me fallait signer ce que je dis là, je vous déclare que j'hésiterais. Aussi, je vous le répète, ce n'est point au magistrat que je m'adresse, c'est à l'ami. Eh bien, à l'ami je dis : Pendant les trois quarts d'heure qu'elle a duré, j'ai étudié l'agonie, les convulsions, la mort de Mme de Saint-Méran ; eh bien, dans ma conviction, non seulement Mme de Saint-Méran est morte empoisonnée, mais encore je dirais, oui, je dirais quel poison l'a tuée.

  - Monsieur ! monsieur !

  - Tout y est, voyez-vous : somnolence interrompue par des crises nerveuses, surexcitation du cerveau, torpeur des centres. Mme de Saint-Méran a succombé à une dose violente de brucine ou de strychnine, que par hasard sans doute, que par erreur peut-être, on lui a administrée. »

  Villefort saisit la main du docteur.

  « Oh ! c'est impossible ! dit-il, je rêve, mon Dieu ! je rêve ! C'est effroyable d'entendre dire des choses pareilles à un homme comme vous ! Au nom du Ciel, je vous en supplie, cher docteur, dites-moi que vous pouvez vous tromper !

  - Sans doute, je le puis, mais...

  - Mais ?...

  - Mais, je ne le crois pas.

  - Docteur, prenez pitié de moi ; depuis quelques jours il m'arrive tant de choses inouïes, que je crois à la possibilité de devenir fou.

  - Un autre que moi a-t-il vu Mme de Saint-Méran ?

  - Personne.

  - A-t-on envoyé chez le pharmacien quelque ordonnance qu'on ne m'ait pas soumise ?

  - Aucune.

  - Mme de Saint-Méran avait-elle des ennemis ?

  - Je ne lui en connais pas.

  - Quelqu'un avait-il intérêt à sa mort ?

  - Mais non, mon Dieu ! mais non ; ma fille est sa seule héritière, Valentine seule... Oh ! si une pareille pensée me pouvait venir, je me poignarderais pour punir mon coeur d'avoir pu un seul instant abriter une pareille pensée.

  - Oh ! s'écria à son tour M, d'Avrigny, cher ami, à Dieu ne plaise que j'accuse quelqu'un, je ne parle que d'un accident, comprenez-vous bien, d'une erreur. Mais accident ou erreur, le fait est là qui parle tout bas à ma conscience, et qui veut que ma conscience vous parle tout haut. Informez-vous.

  - A qui ? comment ? de quoi ?

  - Voyons : Barrois, le vieux domestique, ne se serait-il pas trompé, et n'aurait-il pas donné à Mme de Saint-Méran quelque potion préparée pour son maître ?

  - Pour mon père !

  - Oui.

  - Mais comment une potion préparée pour M. Noirtier peut-elle empoisonner Mme de Saint-Méran ?

  - Rien de plus simple : vous savez que dans certaines maladies les poisons deviennent un remède ; la paralysie est une de ces maladies-là. A peu près depuis trois mois, après avoir tout employé pour rendre le mouvement et la parole à M. Noirtier, je me suis décidé à tenter un dernier moyen ; depuis trois mois, dis-je, je le traite par la brucine ; ainsi, dans la dernière potion que j'ai commandée pour lui il en entrait six centigrammes ; six centigrammes sans action sur les organes paralysés de M. Noirtier, et auxquels d'ailleurs il s'est accoutumé par des doses successives, six centigrammes suffisent pour tuer toute autre personne que lui.

  - Mon cher docteur, il n'y a aucune communication entre l'appartement de M. Noirtier et celui de Mme de Saint-Méran, et jamais Barrois n'entrait chez ma belle-mère. Enfin, vous le dirai-je, docteur, quoique je vous sache homme le plus habile et surtout le plus consciencieux du monde, quoique en toute circonstances votre parole soit pour moi un flambeau qui me guide à l'égal de la lumière du soleil, eh bien ! docteur, eh bien ! j'ai besoin, malgré cette conviction, de m'appuyer sur cet axiome, errare humanum est.

  - Ecoutez, Villefort, dit le docteur, existe-t-il un de mes confrères en qui vous ayez autant confiance qu'en moi ?

  - Pourquoi cela, dites ? où voulez-vous en venir ?

  - Appelez-le, je lui dirai ce que j'ai vu, ce que j'ai remarqué, nous ferons l'autopsie.

  - Et vous trouverez des traces de poison ?

  - Non, pas du poison, je n'ai pas dit cela, mais nous constaterons l'exaspération du système nerveux, nous reconnaîtrons l'asphyxie patente, incontestable, et nous vous dirons : Cher Villefort, si c'est par négligence que la chose est arrivée, veillez sur vos serviteurs ; si c'est par haine, veillez sur vos ennemis.

  - Oh ! mon Dieu ! que me proposez-vous là, d'Avrigny ? répondit Villefort abattu ; du moment où il y aura un autre que vous dans le secret, une enquête deviendra nécessaire, et une enquête chez moi, impossible ! Pourtant, continua le procureur du roi en se reprenant et en regardant le médecin avec inquiétude, pourtant si vous le voulez, si vous l'exigez absolument, je le ferai. En effet, peut-être dois-je donner suite à cette affaire ; mon caractère me le commande. Mais, docteur, vous me voyez d'avance pénétré de tristesse : introduire dans ma maison tant de scandale après tant de douleur ! Oh ! ma femme et ma fille en mourront ; et moi, moi, docteur, vous le savez, un homme n'en arrive pas où j'en suis, un homme n'a pas été procureur du roi pendant vingt-cinq ans sans s'être amassé bon nombre d'ennemis ; les miens sont nombreux. Cette affaire ébruitée sera pour eux un triomphe qui les fera tressaillir de joie, et moi me couvrira de honte. Docteur, pardonnez-moi ces idées mondaines. Si vous étiez un prêtre, je n'oserais vous dire cela ; mais vous êtes un homme, mais vous connaissez les autres hommes ; docteur, docteur, vous ne m'avez rien dit, n'est-ce pas ?

  - Mon cher monsieur de Villefort, répondit le docteur ébranlé, mon premier devoir est l'humanité. J'eusse sauvé Mme de Saint-Méran si la science eût eu le pouvoir de le faire, mais elle est morte, je me dois aux vivants. Ensevelissons au plus profond de nos coeurs ce terrible secret. Je permettrai, si les yeux de quelques-uns s'ouvrent là-dessus, qu'on impute à mon ignorance le silence que j'aurai gardé. Cependant, monsieur, cherchez toujours, cherchez activement, car peut-être cela ne s'arrêtera-t-il point là... Et quand vous aurez trouvé le coupable, si vous le trouvez, c'est moi qui vous dirai : Vous êtes magistrat, faites ce que vous voudrez !

  - Oh ! merci, merci, docteur ! dit Villefort avec une joie indicible, je n'ai jamais eu de meilleur ami que vous. »

  Et comme s'il eût craint que le docteur d'Avrigny ne revînt sur cette concession, il se leva et entraîna le docteur du côté de la maison.

  Ils s'éloignèrent.

  Morrel, comme s'il eût besoin de respirer, sortit sa tête du taillis, et la lune éclaira ce visage si pâle qu'on eût pu le prendre pour un fantôme.

  « Dieu me protège d'une manifeste mais terrible façon, dit-il. Mais Valentine, Valentine ! pauvre amie ! résistera-t-elle à tant de douleurs ? »

  En disant ces mots il regardait alternativement la fenêtre aux rideaux rouges et les trois fenêtres aux rideaux blancs.

  La lumière avait presque complètement disparu de la fenêtre aux rideaux rouges. Sans doute Mme de Villefort venait d'éteindre sa lampe, et la veilleuse seule envoyait son reflet aux vitres.

  A l'extrémité du bâtiment, au contraire, il vit s'ouvrir une des trois fenêtres aux rideaux blancs. Une bougie placée sur la cheminée jeta au-dehors quelques rayons de sa pâle lumière, et une ombre vint un instant s'accouder au balcon.

  Morrel frissonna ; il lui semblait avoir entendu un sanglot.

  Il n'était pas étonnant que cette âme ordinairement si courageuse et si forte, maintenant troublée et exaltée par les deux plus fortes des passions humaines, l'amour et la peur, se fût affaiblie au point de subir des hallucinations superstitieuses.

  Quoiqu'il fût impossible, caché comme il l'était, que l'oeil de Valentine le distinguât, il crut se voir appeler par l'ombre de la fenêtre ; son esprit troublé le lui disait, son coeur ardent le lui répétait. Cette double erreur devenait une réalité irrésistible, et, par un de ces incompréhensibles élans de jeunesse, il bondit hors de sa cachette et en deux enjambées, au risque d'être vu, au risque d'effrayer Valentine, au risque de donner l'éveil par quelque cri involontaire échappé à la jeune fille, il franchit ce parterre que la lune faisait large et blanc comme un lac, et, gagnant la rangée de caisses d'orangers qui s'étendait devant la maison, il atteignit les marches du perron, qu'il monta rapidement, et poussa la porte, qui s'ouvrit sans résistance devant lui.

  Valentine ne l'avait pas vu ; ses yeux levés au ciel suivaient un nuage d'argent glissant sur l'azur, et dont la forme était celle d'une ombre qui monte au ciel ; son esprit poétique et exalté lui disait que c'était l'âme de sa grand-mère.

  Cependant, Morrel avait traversé l'antichambre et trouvé la rampe de l'escalier ; des tapis étendus sur les marches assourdissaient son pas ; d'ailleurs Morrel en était arrivé à ce point d'exaltation que la présence de M. de Villefort lui-même ne l'eût pas effrayé. Si M. de Villefort se fût présenté à sa vue, sa résolution était prise : il s'approchait de lui et lui avouait tout, en le priant d'excuser et d'approuver cet amour qui l'unissait à sa fille, et sa fille à lui ; Morrel était fou.

  Par bonheur il ne vit personne.

  Ce fut alors surtout que cette connaissance qu'il avait prise par Valentine du plan intérieur de la maison lui servit ; il arriva sans accident au haut de l'escalier, et comme, arrivé là, il s'orientait, un sanglot dont il reconnut l'expression lui indiqua le chemin qu'il avait à suivre ; il se retourna ; une porte entrebâillée laissait arriver à lui le reflet d'une lumière et le son de la voix gémissante. Il poussa cette porte et entra.

  Au fond d'une alcôve ; sous le drap blanc qui recouvrait sa tête et dessinait sa forme, gisait la morte, plus effrayante encore aux yeux de Morrel depuis la révélation du secret dont le hasard l'avait fait possesseur.

  A côté du lit, à genoux, la tête ensevelie dans les coussins d'une large bergère, Valentine, frissonnante et soulevée par les sanglots, étendait au-dessus de sa tête, qu'on ne voyait pas, ses deux mains jointes et raidies.

  Elle avait quitté la fenêtre restée ouverte, et priait tout haut avec des accents qui eussent touché le coeur le plus insensible ; la parole s'échappait de ses lèvres, rapide, incohérente, inintelligible, tant la douleur serrait sa gorge de ses brûlantes étreintes.

  La lune, glissant à travers l'ouverture des persiennes, faisait pâlir la lueur de la bougie, et azurait de ses teintes funèbres ce tableau de désolation.

  Morrel ne put résister à ce spectacle ; il n'était pas d'une piété exemplaire, il n'était pas facile à impressionner, mais Valentine souffrant, pleurant, se tordant les bras à sa vue, c'était plus qu'il n'en pouvait supporter en silence. Il poussa un soupir, murmura un nom, et la tête noyée dans les pleurs et marbrée sur le velours du fauteuil, une tête de Madeleine du Corrège, se releva et demeura tournée vers lui.

  Valentine le vit et ne témoigna point d'étonnement.

  Il n'y a plus d'émotions intermédiaires dans un coeur gonflé par un désespoir suprême.

  Morrel tendit la main à son amie. Valentine, pour toute excuse de ce qu'elle n'avait point été le trouver, lui montra le cadavre gisant sous le drap funèbre et recommença à sangloter.

  Ni l'un ni l'autre n'osait parler dans cette chambre. Chacun hésitait à rompre ce silence que semblait commander la Mort debout dans quelque coin et le doigt sur les lèvres.

  Enfin Valentine osa la première.

  « Ami, dit-elle, comment êtes-vous ici ? Hélas ! je vous dirais : Soyez le bienvenu, si ce n'était pas la Mort qui vous eût ouvert la porte de cette maison.

  - Valentine, dit Morrel d'une voix tremblante et les mains jointes, j'étais là depuis huit heures et demie ; je ne vous voyais point venir, l'inquiétude m'a pris, j'ai sauté par-dessus le mur, j'ai pénétré dans le jardin ; alors des voix qui s'entretenaient du fatal accident...

  - Quelles voix ? » dit Valentine.

  Morrel frémit, car toute la conversation du docteur et de M. de Villefort lui revint à l'esprit, et, à travers le drap, il croyait voir ces bras tordus, ce cou raidi, ces lèvres violettes.

  « Les voix de vos domestiques, dit-il, m'ont tout appris.

  - Mais venir jusqu'ici, c'est nous perdre, mon ami, dit Valentine, sans effroi et sans colère.

  - Pardonnez-moi, répondit Morrel du même ton, je vais me retirer.

  - Non, dit Valentine, on vous rencontrerait, restez.

  - Mais si l'on venait ? »

  La jeune fille secoua la tête.

  « Personne ne viendra, dit-elle, soyez tranquille, voilà notre sauvegarde. »

  Et elle montra la forme du cadavre moulée par le drap.

  « Mais qu'est-il arrivé à M.d'Epinay ? dites-moi, je vous en supplie, reprit Morrel.

  - M. Franz est arrivé pour signer le contrat au moment où ma bonne grand-mère rendait le dernier soupir.

  - Hélas ! dit Morrel avec un sentiment de joie égoïste, car il songeait en lui-même que cette mort retardait indéfiniment le mariage de Valentine.

  - Mais ce qui redouble ma douleur, continua la jeune fille, comme si ce sentiment eût dû recevoir à l'instant même sa punition, c'est que cette pauvre chère aïeule, en mourant, a ordonné qu'on terminât le mariage le plus tôt possible ; elle aussi, mon Dieu ! en croyant me protéger, elle aussi agissait contre moi.

  - Ecoutez ! » dit Morrel.

  Les deux jeunes gens firent silence.

  On entendit la porte qui s'ouvrit, et des pas firent craquer le parquet du corridor et les marches de l'escalier.

  « C'est mon père qui sort de son cabinet, dit Valentine.

  - Et qui reconduit le docteur, ajouta Morrel.

  - Comment savez-vous que c'est le docteur ? demanda Valentine étonnée.

  - Je le présume », dit Morrel.

  Valentine regarda le jeune homme.

  Cependant, on entendit la porte de la rue se fermer. M. de Villefort alla donner en outre un tour de clef à celle du jardin puis il remonta l'escalier.

  Arrivé dans l'antichambre il s'arrêta un instant, comme s'il hésitait s'il devait entrer chez lui ou dans la chambre de Mme de Saint-Méran. Morrel se jeta derrière une portière. Valentine ne fit pas un mouvement ; on eût dit qu'une suprême douleur la plaçait au-dessus des craintes ordinaires.

  M. de Villefort rentra chez lui.

  « Maintenant, dit Valentine, vous ne pouvez plus sortir ni par la porte du jardin, ni par celle de la rue. »

  Morrel regarda la jeune fille avec étonnement.

  « Maintenant, dit-elle, il n'y a plus qu'une issue permise et sûre, c'est celle de l'appartement de mon grand-père. »

  Elle se leva.

  « Venez, dit-elle.

  - Où cela ? demanda Maximilien.

  - Chez mon grand-père.

  - Moi, chez M. Noirtier ?

  - Oui.

  - Y songez-vous, Valentine ?

  - J'y songe, et depuis longtemps. Je n'ai plus que cet ami au monde, et nous avons tous deux besoin de lui... Venez.

  - Prenez garde, Valentine, dit Morrel, hésitant à faire ce que lui ordonnait la jeune fille ; prenez garde, le bandeau est tombé de mes yeux : en venant ici, j'ai accompli un acte de démence. Avez-vous bien vous-même toute votre raison, chère amie ?

  - Oui, dit Valentine, et je n'ai aucun scrupule au monde, si ce n'est de laisser seuls les restes de ma pauvre grand-mère, que je me suis chargée de garder.

  - Valentine, dit Morrel, la mort est sacrée par elle-même.

  - Oui, répondit la jeune fille ; d'ailleurs ce sera court, venez. »

  Valentine traversa le corridor et descendit un petit escalier qui conduisait chez Noirtier. Morrel la suivait sur la pointe du pied. Arrivés sur le palier de l'appartement, ils trouvèrent le vieux domestique.

  « Barrois, dit Valentine, fermez la porte et ne laissez entrer personne. »

  Elle passa la première.

  Noirtier, encore dans son fauteuil, attentif au moindre bruit, instruit par son vieux serviteur de tout ce qui se passait, fixait des regards avides sur l'entrée de la chambre ; il vit Valentine, et son oeil brilla.

  Il y avait dans la démarche et dans l'attitude de la jeune fille quelque chose de grave et de solennel qui frappa le vieillard. Aussi, de brillant qu'il était, son oeil devint-il interrogateur.

  « Cher père, dit-elle d'une voix brève, écoute-moi bien : tu sais que bonne maman Saint-Méran est morte il y a une heure, et que maintenant, excepté toi, je n'ai plus personne qui m'aime au monde ? »

  Une expression de tendresse infinie passa dans les yeux du vieillard.

  « C'est donc à toi seul, n'est-ce pas, que je dois confier mes chagrins ou mes espérances ? »

  Le paralytique fit signe que oui.

  Valentine prit Maximilien par la main.

  « Alors, lui dit-elle, regarde bien monsieur. »

  Le vieillard fixa son oeil scrutateur et légèrement étonné sur Morrel.

  « C'est M. Maximilien Morrel, dit-elle, le fils de cet honnête négociant de Marseille dont tu as sans doute entendu parler ?

  - Oui, fit le vieillard.

  - C'est un nom irréprochable, que Maximilien est en train de rendre glorieux, car, à trente ans, il est capitaine de spahis, officier de la Légion d'honneur. »

  Le vieillard fit signe qu'il se le rappelait.

  « Eh bien, bon papa, dit Valentine en se mettant à deux genoux devant le vieillard et en montrant Maximilien d'une main, je l'aime et ne serai qu'à lui ! Si l'on me force d'en épouser un autre, je me laisserai mourir ou je me tuerai. »

  Les yeux du paralytique exprimaient tout un monde de pensées tumultueuses.

  « Tu aimes M.Maximilien Morrel, n'est-ce pas, bon papa ? demanda la jeune fille.

  - Oui, fit le vieillard immobile.

  - Et tu peux bien nous protéger, nous qui sommes aussi tes enfants, contre la volonté de mon père ? »

  Noirtier attacha son regard intelligent sur Morrel, comme pour lui dire :

  « C'est selon. »

  Maximilien comprit.

  « Mademoiselle, dit-il, vous avez un devoir sacré à remplir dans la chambre de votre aïeule ; voulez-vous me permettre d'avoir l'honneur de causer un instant avec M. Noirtier ?

  - Oui, oui, c'est cela », fit l'oeil du vieillard.

  Puis il regarda Valentine avec inquiétude.

  « Comment il fera pour te comprendre, veux-tu dire, bon père ?

  - Oui.

  - Oh ! sois tranquille ; nous avons si souvent parlé de toi, qu'il sait bien comment je te parle. »

  Puis, se tournant vers Maximilien avec un adorable sourire, quoique ce sourire fût voilé par une profonde tristesse :

  « Il sait tout ce que je sais », dit-elle.

  Valentine se releva, approcha un siège pour Morrel, recommanda à Barrois de ne laisser entrer personne ; et après avoir embrassé tendrement son grand-père et dit adieu tristement à Morrel, elle partit.

  Alors Morrel, pour prouver à Noirtier qu'il avait la confiance de Valentine et connaissait tous leurs secrets, prit le dictionnaire, la plume et le papier, et plaça le tout sur une table où il y avait une lampe.

  « Mais d'abord, dit Morrel, permettez-moi, monsieur, de vous raconter qui je suis, comment j'aime Mlle Valentine, et quels sont mes desseins à son égard.

  - J'écoute », fit Noirtier.

  C'était un spectacle assez imposant que ce vieillard, inutile fardeau en apparence, et qui était devenu le seul protecteur, le seul appui, le seul juge de deux amants jeunes, beaux, forts, et entrant dans la vie.

  Sa figure, empreinte d'une noblesse et d'une austérité remarquables, imposait à Morrel, qui commença son récit en tremblant.

  Il raconta alors comment il avait connu, comment il avait aimé Valentine, et comment Valentine, dans son isolement et son malheur, avait accueilli l'offre de son dévouement. Il lui dit quelles étaient sa naissance, sa position, sa fortune ; et plus d'une fois, lorsqu'il interrogea le regard du paralytique, ce regard lui répondit :

  « C'est bien, continuez.

  - Maintenant, dit Morrel quand il eut fini cette première partie de son récit, maintenant que je vous ai dit, monsieur, mon amour et mes espérances, dois-je vous dire nos projets ?

  - Oui, fit le vieillard.

  - Eh bien, voilà ce que nous avions résolu. »

  Et alors il raconta tout à Noirtier : comment un cabriolet attendait dans l'enclos, comment il comptait enlever Valentine, la conduire chez sa soeur, l'épouser, et dans une respectueuse attente espérer le pardon de M. de Villefort.

  « Non, dit Noirtier.

  - Non ? reprit Morrel, ce n'est pas ainsi qu'il faut faire ?

  - Non.

  - Ainsi ce projet n'a point votre assentiment ?

  - Non.

  - Eh bien, il y a un autre moyen », dit Morrel.

  Le regard interrogateur du vieillard demanda : « Lequel ? »

  « J'irai, continua Maximilien, j'irai trouver M. Franz d'Epinay, je suis heureux de pouvoir vous dire cela en l'absence de Mlle de Villefort, et je me conduirai avec lui de manière à le forcer d'être un galant homme. »

  Le regard de Noirtier continua d'interroger.

  « Ce que je ferai ?

  - Oui.

  - Le voici. Je l'irai trouver, comme je vous le disais, je lui raconterai les liens qui m'unissent à Mlle Valentine ; si c'est un homme délicat, il prouvera sa délicatesse en renonçant de lui-même à la main de sa fiancée, et mon amitié et mon dévouement lui sont de cette heure acquis jusqu'à la mort ; s'il refuse, soit que l'intérêt le pousse, soit qu'un ridicule orgueil le fasse persister, après lui avoir prouvé qu'il contraindrait ma femme, que Valentine m'aime et ne peut aimer un autre que moi, je me battrai avec lui, en lui donnant tous les avantages, et je le tuerai ou il me tuera ; si je le tue, il n'épousera pas Valentine ; s'il me tue, je serai bien sûr que Valentine ne l'épousera pas. »

  Noirtier considérait avec un plaisir indicible cette noble et sincère physionomie sur laquelle se peignaient tous les sentiments que sa langue exprimait, en y ajoutant par l'expression d'un beau visage tout ce que la couleur ajoute à un dessin solide et vrai.

  Cependant, lorsque Morrel eut fini de parler, Noirtier ferma les yeux à plusieurs reprises, ce qui était, on le sait, sa manière de dire non.

  « Non ? dit Morrel. Ainsi vous désapprouvez ce second projet, comme vous avez déjà désapprouvé le premier ?

  - Oui, je le désapprouve, fit le vieillard.

  - Mais que faire alors, monsieur ? demanda Morrel. Les dernières paroles de Mme de Saint-Méran ont été pour que le mariage de sa petite-fille ne se fît point attendre : dois-je laisser les choses s'accomplir ? »

  Noirtier resta immobile.

  « Oui, je comprends, dit Morrel, je dois attendre.

  - Oui.

  - Mais tout délai nous perdra, monsieur, reprit le jeune homme. Seule, Valentine est sans force, et on la contraindra comme un enfant. Entré ici miraculeusement pour savoir ce qui s'y passe, admis miraculeusement devant vous, je ne puis raisonnablement espérer que ces bonnes chances se renouvellent. Croyez-moi, il n'y a que l'un ou l'autre des deux partis que je vous propose, pardonnez cette vanité à ma jeunesse, qui soit le bon ; dites-moi celui des deux que vous préférez : autorisez-vous Mlle Valentine à se confier à mon honneur ?

  - Non.

  - Préférez-vous que j'aille trouver M. d'Epinay ?

  - Non.

  - Mais, mon Dieu ! de qui nous viendra le secours que nous attendons du Ciel ? »

  Le vieillard sourit des yeux comme il avait l'habitude de sourire quand on lui parlait du ciel. Il était toujours resté un peu d'athéisme dans les idées du vieux jacobin.

  « Du hasard ? reprit Morrel.

  - Non.

  - De vous ?

  - Oui.

  - De vous ?

  - Oui, répéta le vieillard.

  - Vous comprenez bien ce que je vous demande, monsieur ? Excusez mon insistance, car ma vie est dans votre réponse : notre salut nous viendra de vous ?

  - Oui.

  - Vous en êtes sûr ?

  - Oui.

  - Vous en répondez ?

  - Oui. »

  Et il y avait dans le regard qui donnait cette affirmation une telle fermeté, qu'il n'y avait pas moyen de douter de la volonté, sinon de la puissance.

  « Oh ! merci, monsieur, merci cent fois ! Mais comment, à moins qu'un miracle du Seigneur ne vous rende la parole, le geste, le mouvement, comment pourrez-vous, vous, enchaîné dans ce fauteuil, vous, muet et immobile, comment pourrez-vous vous opposer à ce mariage ? »

  Un sourire éclaira le visage du vieillard, sourire étrange que celui des yeux sur un visage immobile.

  « Ainsi, je dois attendre ? demanda le jeune homme.

  - Oui.

  - Mais le contrat ?

  Le même sourire disparut.

  « Voulez-vous donc me dire qu'il ne sera pas signé ?

  - Oui, dit Noirtier.

  - Ainsi le contrat ne sera même pas signé ! s'écria Morrel. Oh ! pardonnez, monsieur ! à l'annonce d'un grand bonheur, il est bien permis de douter ; le contrat ne sera pas signé ?

  - Non », dit le paralytique.

  Malgré cette assurance, Morrel hésitait à croire. Cette promesse d'un vieillard impotent était si étrange, qu'au lieu de venir d'une force de volonté elle pouvait émaner d'un affaiblissement des organes ; n'est-il pas naturel que l'insensé qui ignore sa folie prétende réaliser des choses au-dessus de sa puissance ? Le faible parle des fardeaux qu'il soulève, le timide des géants qu'il affronte, le pauvre des trésors qu'il manie, le plus humble paysan, au compte de son orgueil, s'appelle Jupiter.

  Soit que Noirtier eût compris l'indécision du jeune homme ; soit qu'il n'ajoutât pas complètement foi à la docilité qu'il avait montrée, il le regarda fixement.

  « Que voulez-vous, monsieur ? demanda Morrel, que je vous renouvelle ma promesse de ne rien faire ? »

  Le regard de Noirtier demeura fixe et ferme, comme pour dire qu'une promesse ne lui suffisait pas ; puis il passa du visage à la main.

  « Voulez-vous que je jure, monsieur ? demanda Maximilien.

  - Oui, fit le paralytique avec la même solennité, je le veux. »

  Morrel comprit que le vieillard attachait une grande importance à ce serment.

  Il étendit la main.

  « Sur mon honneur, dit-il, je vous jure d'attendre ce que vous aurez décidé pour agir contre M. d'Epinay.

  - Bien, fit des yeux le vieillard.

  - Maintenant, monsieur, demanda Morrel, ordonnez-vous que je me retire ?

  - Oui.

  - Sans revoir Mlle Valentine ?

  - Oui. »

  Morrel fit signe qu'il était prêt à obéir.

  « Maintenant, continua Morrel, permettez-vous, monsieur, que votre fils vous embrasse comme l'a fait tout à l'heure votre fille ? »

  Il n'y avait pas à se tromper à l'expression des yeux de Noirtier.

  Le jeune homme posa sur le front du vieillard ses lèvres au même endroit où la jeune fille avait posé les siennes.

  Puis il salua une seconde fois le vieillard et sortit.

  Sur le carré il trouva le vieux serviteur, prévenu par Valentine ; celui-ci attendait Morrel, et le guida par les détours d'un corridor sombre qui conduisait à une petite porte donnant sur le jardin.

  Arrivé là, Morrel gagna la grille, par la charmille, il fut en un instant au haut du mur ; et par son échelle, en une seconde, il fut dans l'enclos à la luzerne, où son cabriolet l'attendait toujours.

  Il y remonta, et brisé par tant d'émotions, mais le coeur plus libre, il rentra vers minuit rue Meslay, se jeta sur son lit et dormit comme s'il eût été plongé dans une profonde ivresse.

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